mardi 13 août 2013
Agboville , A la découverte du quartier créé par des mendiants
Dans la ville d’Agboville, un quartier créé par des mendiants suscite la curiosité. Notre équipe de reportage s’est rendue dans cette partie de la capitale de l’Agneby.
Il est 11h, lorsque nous quittons Abidjan ce dimanche. Direction Agboville, chef-lieu de région de l’Agnéby-Tiassa, situé à 79 kilomètres de la capitale économique ivoirienne. Après une heure de route, nous foulons le sol de ce département de plus de 54.865 habitants. Une escale est faite à la base des Forces républicaines de Côte d’Ivoire(Frci) pour signaler notre présence aux autorités militaires. Sous les ordres du chef de sécurité, un soldat du nom de Berthé Amadou, nous sert de guide. Berthé croit savoir que les mendiants se trouvent devant l’ancienne mosquée, dans le quartier Haoussabougou, c'est-à-dire le quartier des Haoussa, en langue malinké. Sur les lieux, force est de constater qu’en lieu et place de mendiants, ce sont des vieillards qui sont assis à l’intérieur de la mosquée. Ces derniers qui disent ne pas être des gueux indiquent un autre endroit situé vers Sokoura, avant les rails, où ceux-ci se trouvent. Le cap est mis sur ce quartier appelé Missirimambougou, qui signifie le quartier des mendiants en langue malinké. Après dix minutes de route, nous arrivons à Sokoura. La voie est difficile d’accès. Nous devons marcher sur au moins 800 mètres pour avoir accès à «Missirimambougou». De là, il faut emprunter une piste qui mène à notre destination, selon les indications de Sako Abdoulaye, l’imam de la mosquée du quartier «Missirimambougou» que nous croisons en route. La première impression que laisse ce quartier peu ordinaire de la ville d’Agboville, ce sont ses maisons entièrement construites en banco, tout comme la mosquée. Des enfants, torse nu s’amusent et courent dans tous les sens. Ici, l’eau courante et l’électricité sont inexistantes. Des toilettes de fortune construites çà et là dénotent l’ampleur de la pauvreté qui règne dans cet endroit. Ce jour-là, un groupe de femmes, certainement curieuses de voir cette présence étrangère sur leurs terres, décoche des salutations en malinké, pour briser vraisemblablement la méfiance. Celles-ci indiquent, après les moments de civilités, que ce quartier a bel et bien été fondé par des personnes qui faisaient la manche. Sako Abdoulaye qui arrive à notre niveau se montre plus bienveillant. « Venez, le vieil homme est par ici », renseigne-t-il. Sur ce, il nous conduit chez Séré Youssouf, le chef de quartier. C’est un homme de 64 ans, épuisé par le poids de l’âge et certainement par ses activités. Le vieil homme barbu, un bonnet blanc vissé à la tête et vêtu d’un boubou de couleur jaune, est assis dans une chaise en bois. Après les salutations d’usage, nous prenons place sur des tabourets, sous le regard curieux des gamins. A notre demande, Séré Youssouf accepte volontiers de faire l’historique du quartier.
Historique du quartier «Missirimambougou».
Séré soutient que c’est en 1956 que le fondateur du quartier, Seydou Cissé, un mendiant, est installé sur ces terres par son tuteur, Ladji Cissoko. « Seydou était un non-voyant. Il était marié et il avait quatre femmes et sept enfants. Jusqu’à sa mort, son trajet était de se rendre à Haoussabougou pour mendier », introduit-il. Séré ajoute que Seydou a été rejoint par un autre non-voyant du nom d’Adoh Sako, qui n’est autre que le père de l’actuel imam. « Par la suite, Daouda Konaté a rejoint le groupe. Aujourd’hui, le quartier comptera 19 familles. Toutes les personnes que j’ai citées sont décédés. Leurs enfants ne mendient plus ; ils sont devenus agriculteurs, mécaniciens », explique Séré. Néanmoins, selon l’imam, mendier n’est pas une mauvaise chose. «Dieu dit : si vous êtes pauvre, au lieu de voler, il est préférable de mendier », argue-t-il. A la question de savoir ce qu’il pense de la mesure arrêtée par le gouvernement de déguerpir les mendiants des lieux publics, il répond sans faux-fuyant. « Nous sommes des enfants de pauvres. Si on ne mendie pas, comment allons-nous manger ? Est-ce que le gouvernement peut prendre en charge tous les pauvres ? Nous demandons l’aide de Dieu qui vole à notre secours. Au temps de nos parents, les gens amenaient les sacrifices les lundis, vendredis et dimanches. C’était de la cola, des poulets ; les moutons étaient rares à ce moment-là», se remémore le guide religieux. Le vieil Séré et l’imam, les deux personnes les plus importantes présentes au quartier, à notre passage, n’ont pas caché leur satisfaction de savoir que leur quartier suscite tant d’intérêt chez d’autres personnes. En l’absence de plusieurs hommes du quartier, certainement partis à la recherche de la pitance quotidienne, ils ont offert une hospitalité à l’équipe de reportage. Après cette petite balade historique dans la mémoire du village des mendiants, nous prenons congé de nos hôtes. L’imam, affable depuis notre arrivée, a insisté pour nous raccompagner jusqu’en bordure des rails. Là, nous nous disons au revoir, dans l’espoir de revenir une prochaine fois à Missirimambougou.
Bahi K.
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